• ASILE – Projet de loi 2014 : « Avancées, déceptions, inquiétudes ?» ASULON France

    Rappel : Asulon France créé en 2007 réunit des fonctionnaires de plusieurs administrations en charge de l’Asile et de l’Immigration, notamment à l’OFPRA, la CNDA et à l’OFII.

    Asulon France ne bénéficie d’aucun financement public - ni de la part du gouvernement français ni de la part des dispositifs européens type FER – ce qui lui garantit une totale liberté d’appréciation.

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    Le projet de loi de réforme de l’ASILE vient d’être présenté au Conseil des ministres du mercredi 23 juillet 2014.

    Il sera très certainement examiné par le parlement dès janvier 2015 et voté au printemps.

    Même soumis à la vigilance du Conseil Constitutionnel, le nouveau dispositif sera vraisemblablement opérationnel à l’été/automne 2015.

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    Porté par le nouveau ministre de l’Intérieur et relayé par les institutions concernées,  notamment l’OFPRA, ce projet de loi appelle d’ores été déjà un ensemble de remarques rapides.

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    Attendu depuis le changement de majorité parlementaire en 2012, ce texte a fait naître beaucoup d’espérance.

    Portée par la Gauche, une véritable réforme de l’asile se doit de porter des exigences nouvelles, capables de rompre avec des pratiques très discutables imposées depuis plus de dix ans, et qui ont fait hontes à nos administrations.

    Le texte proposé revêt un intérêt certain, même s’il consacre l’abandon de plusieurs engagements.

    Il contient par ailleurs des maladresses qui pourraient - si certains dispositifs étaient maintenus - se révéler dangereuses pour le droit d’asile en France.

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    Déceptions(I), inquiétudes (II) mais aussi avancées (III) caractérisent ce nouveau texte.

    I - Des déceptions tout d’abord :

    a)      de la tutelle ministérielle sur l’OFPRA :

    Asulon France a toujours milité pour le changement de tutelle ministérielle pour l’OFPRA, afin que l’OFPRA retrouve sa tutelle historique : le Ministère des Affaires étrangères.

    Cette question est éludée.

    Ce texte consacre une vision dictée par les politiques européennes où « Asile et immigration » sont traités conjointement dans tous les pays de l’UE.

    Dont acte.

    Néanmoins, Asulon France reste toujours opposé à cet abandon. Pour nous, l’Asile ce n’est pas l’immigration. Le débat de philosophie politique est ici écarté car il soulèverait des questionnements sur la notion de souveraineté aujourd’hui volontairement occultée.

    Ce débat n’est absolument pas clos. Nous en reparlerons.

    b) de la notion de pays sûrs :

    Asulon France a toujours été opposé à cette notion superfétatoire qui a donné lieu à de nombreux abus, alimenté les dysfonctionnements et généré des erreurs.

    Les interventions du Conseil d’Etat en la matière ont entrainé des revirements politiques et institutionnels dont des milliers d’hommes et de femmes ont eu à pâtir.

    Instruit des pratiques récentes, il n’est pas possible de prétendre défendre le droit d’asile et être favorable à la notion de pays d’origine sûr.

    c) de la procédure prioritaire/accélérée :

    Là encore, Asulon France a été toujours été opposé à cette procédure qui altère la qualité de l’accueil, la procédure d’instruction et l’écoute que nous devons à tout demandeur d’asile.

    Tous ces dispositifs auraient dû être abandonnés.

    Leur maintien est une source de déceptions évidentes.

    II - Des inquiétudes ensuite :

    Plusieurs dispositifs présents dans le projet de loi peuvent en revanche inquiéter.

    Ils ouvrent la voie à de possibles abus manifestes qui peuvent générer des dysfonctionnements inadmissibles, surtout s’ils sont placés entre les mains d’institutions mal dirigées.

    a)      La notion d’irrecevabilité (Art. L. 728-10) ;

    « L’Office peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de l’asile sont réunies » !?

    b)      La suppression de toute aide matérielle aux demandeurs qui auraient enfreint les règles d’hébergement imposées (Art. L. 744-8) ;

    c)      L’affirmation du principe selon lequel il doit exister un lien indispensable entre motif de persécution et les actes de persécution (Art. L.711-2) ;

    d)      Le juge unique à la CNDA pour certaines demandes en procédure accélérée : c’est la double peine aggravant la rupture d’égalité.

    e)      Le délai de procédure imposé de 9 mois, ce qui n’est pas sérieux.

    Sur l’ensemble de ces points Asulon France espère que la représentation nationale fera preuve de sagesse et que le Conseil Constitutionnel exercera une vigilance accrue sur ces dispositifs qui portent une mission parmi les plus importantes de notre démocratie.

    III - Enfin des avancées :

    Enfin, il faut le reconnaitre, ce projet de loi présente également des avancées nettes.

    A dispositif législatif quasi-constant, découlant des politiques européennes et renforcé par la mise en œuvre de nouvelles directives européennes, ce projet de loi présente plusieurs caractéristiques : rationalisation et cohérence.

     D’emblée, le volontarisme affiché doit être salué.

    A - Les efforts budgétaires sont nets et les moyens généraux offerts aux différentes administrations sont accrus substantiellement.

    Asulon France ne peut que saluer cet effort en une période particulièrement difficile.

    B - Le schéma national d’hébergement est une avancée pour qui ne veut plus se satisfaire d’une part de conditions d’accueil scandaleuses, d’autre part, de la concentration de la demande sur certaines préfectures engorgées.

    C - La multiplication de CADA est également à saluer après la fermeture idiote de certains d’entre eux, sous la précédente législature.

    D – L’introduction d’un recours suspensif pour les demandeurs placés en procédure prioritaire tombe sous le sens. Il était attendu de tous notamment après les décisions de la CEDH.

    E – La venue de tiers (conseils, avocats et associations) plus en amont dans la procédure, notamment durant la phase OFPRA, est bien sûr une avancée, à saluer.

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    Ce projet de loi se situe dans un continuum évident : celui dicté par l’Union européenne.

    Il faut le reconnaître, ce gouvernement a décidé un effort financier net et modernise avec intelligence un dispositif au service d’une politique que par ailleurs Asulon France critique.

    Cette réforme modeste – néanmoins intelligente - s’accompagne d’un élan volontariste évident, qui ne peut qu’être salué.

    Asulon France encourage la représentation nationale à amender ce texte pour éviter les quelques pièges tendus et invite le Conseil constitutionnel à censurer le dispositif du juge unique. Bien sûr.


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