• L'Etat français est en charge de fonctions régaliennes, dont font partie la sécurité extérieure et la sécurité intérieure du pays, nul ne le conteste. L'histoire du XX° siècle marquée par les crimes de masse et les persécutions et génocides touchant les Juifs et les Tsiganes impose toutefois un regard rétrospectif dès lors que certains propos menacent l'âme du pays et sa cohésion.

    L'instrumentalisation des thèmes sécuritaires dans le discours politique actuel doit être décryptée et dénoncée. Le général de Gaulle évoquait la nécessité de hisser sans cesse la France vers les sommets. Les déclarations récentes entendues aux plus hauts niveaux de l'Etat la tirent plutôt vers le bas.

    Des vagues d'indésirables ?

    La France a vécu des épisodes migratoires antérieurs. Elle n'en n'est pas morte...mais n'a pas non plus lieu de se glorifier de la manière dont elle les a accueillis et traités. Faut-il rappeler les réticences d'une grande partie de la population française à l'égard des Républicains espagnols réfugiés de la Retirada, ces « gens sales, illettrés, voleurs et paresseux qui venaient ajouter aux difficultés quotidiennes de la vie des bons Français et manger leur pain » ? C'était le discours repris par une certaine droite nationaliste, xénophobe et égoïste. Sans parler de l'embarras des pouvoirs publics totalement dépassés par un exode massif qu'ils s'étaient refusé à voir venir et qui déboucha sur la constitution des premiers grands camps d'internement. 
    L'on sait par la suite les pressions exercées pour contraindre cette population réfugiée à rentrer « volontairement » chez elle, où le régime fasciste de Franco l'attendait de pied ferme. Le rapprochement permet des doutes sérieux sur la notion de « retour volontaire ». A l'opposé de ce discours, la ferveur populaire d'une partie de la France, cette France là, anonyme et modeste, qui s'est mobilisée pour venir en aide aux réfugiés espagnols, a incarné l'honneur de la République.

    Pas si indésirables...

    Est-il nécessaire de rappeler la part courageuse et exemplaire prise à nos côtés dans la guerre contre l'Allemagne nazie par ces « gens sales, illettrés voleurs et paresseux » restés malgré tout en France, leur engagement dans la Résistance contre l'occupant après la défaite, celui héroïque de groupes espagnols dans les combats du plateau des Glières ou encore le prix très lourd payé par près de 7 000 autres, prisonniers de guerre, ignorés honteusement par le Régime de Vichy et abandonnés à l'Allemagne nazie qui les traita en « apatrides » et les déporta, principalement au camp de concentration de Mauthausen, dont la plupart ne sont jamais rentrés ? 
    Faut-il rappeler que des soldats de la 2ème Division blindée entrés les premiers à Paris avec la colonne Dronne, étaient des ...Espagnols ? Ce seul exemple devrait inciter à la prudence et à la retenue dans le discours.

    Une extermination que l'on occulte un peu vite

    Les populations Sintis, Roms, Manouches, Gitans, qualifiées globalement de Zigeuner (Tsiganes) par le régime nazi et classées dans la catégorie la plus basse des « sous-hommes », ont fait l'objet d'un génocide tout aussi systématique en Allemagne et en Europe centrale occupée, que celui des Juifs et ont subi des expérimentations médicales d'une cruauté qui font encore frémir la mémoire des survivants. En France elles furent visées surtout par la honte et la misère de l'internement administratif. On en parle moins, voire pas du tout, cette population étant discrète, effacée et peu prolixe. Qui s'en souvient aujourd'hui ? Qui a évoqué ce martyre passé ? A lui seul pourtant ce rappel justifierait des égards, marques de considération et de soutien, voire réparations, comparables à ceux consentis à d'autres. Qui y songe ?

    Le cycle des violences de masse en marche ?

    Jacques Sémelin , auteur d'une encyclopédie sur les violences de masse, insiste sur le rôle des représentations, qu'il situe en amont de ce processus. Pour lui, le massacre est le résultat d'une démarche mentale créant un « imaginaire de l'ennemi opposé à l'imaginaire de soi », instaurant une perception négative de l'Autre dans l'imaginaire collectif. Chaque être humain peut avoir des fantasmes de destruction de l'autre. Dans le cas du crime de masse ces fantasmes basculent dans la réalité collective. Il tente en conséquence d'analyser l'articulation entre imaginaire et réel, où l'exploitation de la peur et de l'inquiétude facilite la définition d'entités mythiques à partir desquelles se construisent en interaction un « Eux », figuratif de l'ennemi et un Nous, censé incarner le bien. Il place à l'origine du processus le discours des leaders d'opinion (politiques, intellectuels, médiatiques ou religieux) proposant chacun leur lecture de la situation, comme par exemple : le pays ne va pas bien, mais si nous commencions par nous débarrasser de ces gens là ça irait beaucoup mieux.

    Un discours globalisant et accusateur irrecevable

    C'est ce discours là, aménagé, mais emprunté à l'extrême droite française, qui tend aujourd'hui à s'imposer dans l'appareil d'Etat et qu'il faut dénoncer. En désignant dans un même discours, les « gens du voyage et les Roms » comme facteurs d'insécurité, le Chef de l'Etat divise la collectivité nationale, crée des entités négatives jugées « indésirables » opposées à des entités positives imaginaires. Il flatte les égoïsmes et exacerbe les crispations identitaires qui s'opposent, bref dresse les Uns contre les Autres. Lorsqu'il parlait de la « racaille » (entité mythique sans consistance, auquel chacun donne le contenu qu'il veut bien selon ses fantasmes) il « la » livrait déjà à la vindicte populaire. Il eût été plus noble de mobiliser la collectivité nationale pour trouver les voies et moyens possibles d'une intégration économique et psychologique réussie, en tout cas d'une insertion dans la vie active. Cela n'exclut nullement les poursuites pénales individuelles, exercées sous l'autorité du pouvoir judiciaire et non de l'exécutif, dès lors qu'elles sont justifiées, ni la recherche de solutions à l'échelle européenne. Mais que la France, souvent prompte à donner des leçons, donne d'abord l'exemple en l'Europe, à l'heure où les ultranationalismes refont surface un peu partout, avec tous les dangers dont sont potentiellement porteurs leurs égoïsmes et leur violence.

    La France n'a pas les moyens ?

    S'exprimant il y a quelques semaines sur France Culture, le ministre des affaires européennes, Pierre Lellouche, ancien Haut-représentant de la France en Afghanistan, tenait un discours à deux vitesses, dont la distorsion entre des propos constructifs à l'égard de l'Afghanistan, justifiant la présence française, une pédagogie à développer à l'égard du peuple Afghan, décrivant les menaces que cette région fait peser sur la sécurité du monde et l'aide indispensable à apporter à l'armée nationale afghane etc., contrastaient avec les propos soudainement raidis, brutaux et accusateurs visant les quelques Roms installés dans sa circonscription électorale du 3ème arrondissement de Paris. Il n'était soudain plus question de pédagogie : seulement d'opprobre, de dénonciation collective et d'exclusion. Exigences d'un certain électorat qui tendrait à se dérober ? Ainsi donc la France aurait les moyens de soutenir une guerre lointaine à l'issue bien incertaine en faveur du peuple Afghan et serait incapable de dégager quelques moyens humains, financiers et citoyens autres que sa Police, en faveur de quelque 15 000 Roms ?

    Les signaux de l'histoire

    Le chef de l'Etat pourrait méditer d'autres signaux de l'histoire. Pétain s'était voulu lui aussi recours et « référence » d'une France abasourdie par sa défaite militaire et privée de repères et de perspectives. Il a alors élaboré le concept d'anti-France. Après avoir bénéficié quelque temps de la confiance des Français, il la perdit lorsque leurs yeux se sont enfin ouverts sur les grandes rafles de Juifs. Une vague réprobatrice monta alors « de la France d'en bas ». 
    Le haut-le-cœur des consciences d'aujourd'hui contre la chasse aux Roms et les mesures touchant « les gens du voyage », exécutées sans état d'âme par des fonctionnaires disciplinés, marque le début d'un réveil des consciences. Il prouve que notre pays a encore un cœur et des tripes. Soyons en fiers. C'est aussi cela l'âme de la France ! Appeler les Français à la solidarité pour aider et encadrer les Roms aurait une autre tenue et une autre valeur symbolique. L'ethnologue, ancienne déportée, Germaine Tillion ne disait-elle pas dans un de ses derniers entretiens que le désespoir faisait le lit des terroristes en puissance ? Sémelin l'exprime autrement en mettant en garde contre les représentations négatives qui font de gens ordinaires des assassins en puissance. 
    Où est passée la devise de la République ? 
    La désobéissance civique comme forme de résistance à de telles dérives pourrait bien devenir l'ultime recours des consciences qui restent lucides dans la tourmente.

    Marie José Chombart de Lauwe 
    Résistante déportée 
    Grand officier de la Légion d'Honneur 
    Directeur de recherche honoraire du CNRS 
    Présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation

    LIRE LA SUITE  : http://www.afmd.asso.fr/


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  • Le 8 mars 1872, juste après la victoire de la Prusse face à la France dans la guerre de 1870-1871, Francis Lieber, professeur à l'université Columbia (New York) d'origine prussienne, écrit à son ami Charles Sumner, sénateur antiesclavagiste depuis longtemps francophile :

    "J'ai reçu de Berlin un appel à collecter des fonds parmi les Allemands d'Amérique afin de participer à l'édification d'une fondation Bismarck à l'université de Strasbourg... Le gouvernement allemand est à l'évidence très attaché à faire de Strasbourg une université de premier rang, ce qui n'est pas sans signifier quelque chose. Les Français l'ont négligé. Mais ils ont négligé et négligent toujours tout, sauf Paris. J'en reviens à ma vieille question : qu'est-ce qui fait que les Français sont le seul peuple capable de convertir des peuples conquis ? Ceux-ci ne reçoivent aucun bénéfice de la France. Et pourtant, ils parlent pour la France. Ni les Allemands, ni les Anglais, ni les Américains n'y arrivent. Qu'est-ce que c'est ?"

    A cette question, Sumner a déjà répondu : il considère que l'égalité devant la loi, principe contenu dans la Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen de 1789, est le plus important des droits de l'homme et il a voulu l'introduire dans la Constitution américaine. Ce qui explique l'attachement du Strasbourgeois à la France, c'est donc que, français, il était l'égal du Parisien bien qu'éloigné de lui sur le plan culturel - par la langue germanique et la religion souvent protestante -, tandis que, allemand depuis 1871, il est devenu inférieur auPrussien de Berlin, l'Alsace-Moselle ayant un statut de colonie dans le nouvel Empire allemand.

    Chaque Etat-nation se réfère à une géographie, à une histoire et au sentiment de partager avec d'autres citoyens - par le lien de nationalité - un destin commun. Mais ces traits communs glorifiés conduisent souvent au nationalisme le plus absurde. Quelques mois après avoir entendu, le 25 juin 1940, le maréchal Pétain invoquer la terre définie comme "la patrie elle-même" qui "ne ment pas", des Français envoyés au service du travail obligatoire (STO) découvrent avec surprise en passant les frontières de la Belgique, puis de l'Allemagne, que "c'est toujours la même terre, des arbres, des vaches, des labours, des rivières - aucun signe, aucune rupture -, on glisse", ou que des paysages de l'Allemagne sont "semblables à ceux de la Dordogne" (Patrice Arnaud).

    Les traits communs à tous les Etats-nations ne disent pas les valeurs et les croyances qui, traduites dans des institutions et des conduites, symbolisent la spécificité de chacun. Quatre "piliers" me semblent constituer un code sociopolitique de la France pour les Français et aux yeux du monde. Produits de notre histoire, ils ont résisté à de nombreuses contestations, aux changements de gouvernements, de Constitutions, de régimes politiques. Ils sont autant une référence qu'un programme d'action toujours à réaliser.

    Lire la suite : http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/08/23/les-quatre-piliers-de-la-nationalite-par-patrick-weil_1401781_3232.html

     

     


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  • Communiqué sur la déchéance de nationalité, les roms et gens du voyage

    La CNCDH a reçu mission de « veiller au respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans notre pays, c'est-à-dire des principes de liberté, d'égalité et de fraternité ainsi que d'égale dignité de la personne humaine qui fondent notre République ».

    La CNCDH est très préoccupée par la succession de déclarations officielles de caractère discriminatoire à l'encontre des gens du voyage, des Roms, des « Français d'origine étrangère » ou encore des mineurs délinquants et de leurs parents. Elle s'inquiète en particulier des mesures annoncées en matière de sécurité et d'immigration qui seraient introduites par le biais d'amendements dans des textes examinés en septembre, notamment le projet de loi sur la sécurité intérieure (LOPPSI) présenté au Sénat et celui sur l'immigration présenté à l'Assemblée Nationale.

    La CNCDH s'est prononcée récemment sur plusieurs réformes en cours, notamment dans son avis du 5 juillet 2010 sur le projet de loi sur l'immigration, l'intégration et la nationalité. La Commission sera amenée, le moment venu à se prononcer sur les nouveaux textes, tout en déplorant cette méthode d'élaboration de la loi, dans l'urgence et l'improvisation, qui permet de contourner l'avis préalable du Conseil d'Etat et contribue à l'instabilité de notre droit, notamment, dans le domaine sensible du droit des étrangers.

    La CNCDH a déjà rappelé l'importance d'une politique cohérente, stable et lisible dans tous les domaines touchant aux droits de l'homme, et notamment en matière de droit pénal et de droit de la nationalité, conformément aux principes constitutionnels et aux engagements internationaux de la France, en tant que « République indivisible, laïque, démocratique et sociale » qui « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion » (art 1er de la Constitution de 1958).

    Les déclarations visant en particulier les Roms sont l'occasion pour la CNCDH de rappeler l'étude qu'elle a publiée le 7 février 2008, ainsi que les propositions formulées dans un avis adopté le même jour. L'étude est consacrée aux discriminations à l'encontre, d'une part, des Gens du voyage et, d'autre part, des Roms migrants, en analysant ces diverses situations au regard des droits fondamentaux.

    Dans le droit fil de son avis du 10 juillet 2010, la CNCDH souligne que l'élargissement des cas dans lesquels une personne serait déchue de sa nationalité introduit une distinction entre les citoyens, ce qui est contraire au principe d'égalité. Cette mesure resterait par ailleurs purement symbolique. Elle n'aurait de plus aucun effet dissuasif et renforcerait de surcroît l'incertitude quant à l'appartenance à la nation de ceux qui ont acquis la nationalité française.

    Enfin, on ne peut que s'inquiéter de l'annonce de la suppression de l'automaticité de l'acquisition de la nationalité française, à leur majorité, pour des mineurs nés en France qui auraient été condamnés et de la proposition de loi relative à la responsabilité pénale des parents qui n'auront pas su faire respecter les obligations auxquelles leurs enfants condamnés auront été soumis. Face à ces déclarations « de guerre nationale contre la délinquance », un renforcement des mesures préventives et éducatives accompagnées de moyens humains et financiers semble plus approprié dans un Etat de droit, conciliant liberté personnelle et sécurité juridique et récusant toute forme de discrimination individuelle ou collective.

    Martine BROUSSE Vice Présidente et Emmanuel DECAUX Vice Président

    SOURCE : http://www.cncdh.fr/


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  • Cette lettre d'information traite des informations et des développements politiques sur les droits sociaux fondamentaux des sans-papiers en Europe.

    LETTRE de Juillet 2010 :

    http://www.picum.org/sites/default/files/data/newsletters/fr/nl_fr-07-07-10.pdf


    PICUM - Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants
    Gaucheretstraat 164 - 1030 Bruxelles 0032(0)22741458

    Site Officiel : www.picum.org

     


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  • Le nombre des personnes déracinées atteint 43,3 millions en 2009, comme au milieu des années 90

    GENÈVE, 15 juin (HCR) - A la fin de 2009, le monde comptait quelque 43,3 millions de personnes déplacées de force, soit le chiffre le plus élevé de personnes déracinées par le conflit et la persécution depuis le milieu des années 90, selon le rapport annuel du HCR sur les tendances globales de 2009 publié aujourd'hui. Par ailleurs, le nombre de réfugiés rentrant de leur plein gré dans leur pays est le plus faible enregistré au cours de ces vingt dernières années.

    Le rapport indique que le nombre global de réfugiés est resté relativement stable, soit 15,2 millions, dont les deux tiers relèvent du mandat du HCR, l'autre tiers relevant de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). En raison de la persistance des conflits, plus de la moitié des réfugiés recevant l'assistance du HCR se trouvent dans des situations prolongées.

    « Des conflits majeurs, comme en Afghanistan, en Somalie et en République démocratique du Congo, ne laissent entrevoir aucun espoir de solution » déclare António Guterres, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. « Les conflits qui semblaient s'acheminer vers leur terme ou étaient en passe de trouver une solution, comme au Sud-Soudan ou en Iraq, sont dans l'impasse. En conséquence, l'année dernière n'a pas été un bon cru pour le rapatriement librement consenti. En fait c'est l'année la moins faste de ces deux dernières décennies. »

    Le rapport du HCR révèle que seuls 251 000 réfugiés sont rentrés en 2009, soit le chiffre le plus faible enregistré depuis 1990. Ce chiffre est à considérer en regard de la norme établie au cours de la dernière décennie, soit environ 1 million de rapatriés chaque année.

    SOURCE : http://www.unhcr.fr/4c18edc39.html

    LIRE LE RAPPORT - Anglais : http://www.unhcr.org/4c11f0be9.pdf


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